Pourquoi ArcelorMittal active le chômage partiel en France et en Allemagne
En plus de l’arrêt de deux équipements en Allemagne et d’un en Espagne, ArcelorMittal annonce des mesures de réduction de la production d’acier plat sur Dunkerque et Florange, et ralentit l'activité à Fos-sur-Mer. L’envolée des prix de l’énergie n’est pas la principale cause.
Autant le dire tout de suite. Les annonces d’ArcelorMittal de baisse de production en Allemagne, en Espagne et en France n’ont rien à voir avec quelconque plan de sobriété énergétique. Le sujet de la réduction de la consommation de l’aciériste, qui consomme 1% de l’électricité en France, est d’ailleurs plutôt tabou pour le moment.
ArcelorMittal a bien annoncé le 2 septembre des « mesures d’adaptation conjoncturelle » sur ses sept sites produisant des aciers plats au nord de la France (dont Dunkerque et Florange), ainsi que l'arrêt temporaire à partir de fin septembre d’un haut fourneau de Gijon en Espagne et d’un autre à Brême en Allemagne, ou encore la mise hors service de l'installation de réduction directe de son usine d'acier long de Hambourg à partir du quatrième trimestre 2022. Mais ce n’est pas pour réduire sa facture d’énergie.
Baisse de la demande dans l'auto
La hausse des prix de l’énergie vient « comme un facteur aggravant », explique un porte-parole d’ArcelorMittal France. Pour la France, le première cause qui motive ces mesures « d’ajustement de la production » est « la baisse de la demande sur ses marchés automobiles et industrie », avec un « moral des acheteurs au plus bas », évoque-t-on chez l’aciériste. Elles se traduisent par l’arrêt de deux lignes de galvanisation, notamment à Florange (Moselle), et à Dunkerque (Nord) par l'arrêt d’une chaîne d’agglomération et par la décision de ne plus tourner qu’avec un seul des trois hauts-fourneaux, le n°4. Le haut-fourneau n° 2 avait été arrêté en juillet 2022 dans le cadre du plan de décarbonation. Le n°3 est en entretien.
Ce ralentissement de la production concerne les sept sites d'acier plat du nord de la France, mais aussi le site de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône). « Le rythme du train à chaud est ralenti, et seuls deux fours de réchauffage sur trois fonctionnent. On étudie la situation pour voir si on doit aller plus loin » dans les mesures prises, précise-t-on chez ArcelorMittal France.
Hausse du prix de l'energie et du CO2
En Espagne, outre la faiblesse de la demande, c’est surtout la concurrence de pays non soumis aux quotas carbone qui est invoquée pour justifier l'arrêt du haut fourneau. Dans son communiqué, ArcelorMittal Espagne appelle d’ailleurs à la mise en œuvre rapide « d’un mécanisme d'ajustement frontalier lié au carbone qui établisse un cadre dans lequel chaque région, chaque pays, devra contribuer équitablement ».
Seul le communiqué allemand mentionne explicitement la crise énergétique. « Les coûts élevés du gaz et de l'électricité pèsent lourdement sur notre compétitivité. A cela s'ajoute à partir d'octobre la taxe sur le gaz prévue par le gouvernement allemand, qui nous pèsera encore davantage », y explique Reiner Blaschek, PDG d'ArcelorMittal Allemagne et responsable de l'usine de Brême. Sont également évoquées la faiblesse de la demande du marché, des perspectives économiques négatives, la persistance de la crise économique, ainsi que la persistance des coûts élevés du CO2 dans la production d'acier. La tonne de CO2 a atteint 93 euros fin août en Europe.
Aggravation des problèmes d'approvisionnement
Les perspectives de marché sont considérées comme « sombres » pour la fin 2022 et pour 2023 par Axel Eggert, directeur général de l'association européenne de l'acier Eurofer. Malgré une croissance de la consommation apparente d'acier en 2021 (+15,2%, et de +6,5% au premier trimestre 2022), Eurofer observe que la demande est restée inférieure à son pic pré-pandémique de 2018. Les importations d’acier dans l'Union européenne ont marqué le pas au deuxième trimestre 2022 à +0,4%, contre +28,8% au premier trimestre 2022 et respectivement +43,4% et +47,7% aux troisième et quatrième trimestres 2021.
« Les conditions défavorables découlant de la guerre en cours en Ukraine, avec l'aggravation des problèmes de chaîne d'approvisionnement, la crise énergétique et les coûts de production élevés, devraient avoir un impact négatif au cours des prochains trimestres également sur les secteurs qui ont été épargnés jusqu'à présent », anticiper Eurofer qui a révisé à +1,1%, contre +2% précédemment, la production des secteurs utilisateurs d'acier pour 2022.
En France, pour minimiser l’impact de ces réductions de production sur les salariés, l’aciériste va diminuer le recours aux intérimaires, inciter à la prise de congés anticipée, ouvrir la possibilité d’activité partielle selon les secteurs des usines, et en profiter pour réaliser des plans de formation et d’amélioration sur la fiabilité. Après avoir présenté les mesures au Comité social et économique (CSE) groupe, elles seront présentées dans chaque CSE des sept établissements d’ArcelorMittal aciers plats dans le nord de la France, qui emploient 7 000 personnes. Mais impossible de savoir combien de temps ces « ajustements » vont durer. « La visibilité est faible jusqu’à la fin de l’année, et nulle au-delà. Mais on va s’ajuster à la demande et être très réactif », explique le porte-parole. En Allemagne, les mesures de chômage partiel, déjà en place sur les sites de production de Duisburg, Eisenhüttenstadt, Brême et Hambourg, seront prolongées.